Dans cette rubrique, les négociants membres de la C.N.E.P. nous présentent les pièces hors normes qu’ils ont la chance de voir passer entre leurs mains. Ce mois-ci, Renaud Varga (directeur de Vincennes Philatélie) met en avant une des variétés majeures de la collection de Madagascar, à savoir une paire (n°119d du catalogue Maury) combinant deux singularités : surcharges renversées sur chaque timbre, et surcharge « chiffres espacés » sur le timbre de gauche.

 

Les débuts de l’histoire postale de Madagascar, la quatrième île au monde par sa taille, sont particulièrement agités. L’île voit en effet coexister, à la fin du XIXe siècle, des services postaux gérés par le consulat français, le vice-consulat britannique et même les missionnaires norvégiens… Cette diversité prend fin lorsque, suite à une série de campagnes militaires, Madagascar devient en 1895 une possession française à part entière. Dès l’année suivante, seuls sont autorisés à servir dans l’île les timbres émis par l’administration postale française et celle-ci y fait alors parvenir les mêmes timbres que ceux en usage dans les autres colonies : les « types Groupe », bien connus des philatélistes. Représentant une allégorie (« la Navigation et le Commerce faisant flotter sur les mers les couleurs françaises »), ces timbres se différencient, d’une colonie à l’autre, par un cadre dans lequel est imprimé le nom du territoire au sein duquel ils sont destinés à être utilisés. Concernant Madagascar, dans la mesure où le trafic entre l’île et la métropole est important et où les tarifs sont complexes, c’est une série de 15 valeurs qui est imprimée, entre 1896 et 1899, allant du 1 centime au 5 francs.

Problème : une dizaine d’années plus tard, l’administration postale s’aperçoit que certaines valeurs ont été imprimées en trop grande quantité (soit que les tarifs postaux aient évolué, soit que certains aient été peu pratiqués), et que d’autres, en revanche, viennent à manquer (les 5 centimes et 10 centimes, notamment). Pour rééquilibrer les stocks, elle entreprend, en 1912, de surcharger les timbres en surnombre. « Le nombre de timbres surchargés nous est connu, car ayant été publié par la presse philatélique à l’époque (le Postillon et le Bulletin de Théodore Champion, notamment). » note Renaud Varga. « Ainsi, concernant le « 05 sur 20 c. brique sur vert », on sait que ce sont 95 800 exemplaires qui ont été passés sous presse, par feuilles de 150 exemplaires. En tant que tel, cela ne suffit bien entendu pas à en faire un timbre rare. » continue-t-il. « En revanche, ce qui rend cette émission intéressante, est que l’administration postale a commis certaines erreurs lors de l’impression de la surcharge. La première d’entre elles est que, dans chaque feuille, 8 timbres présentent systématiquement un espacement trop large entre les caractères, à savoir les exemplaires des cases 10, 35, 55, 60, 100, 110, 120 et 130. Par déduction, il est possible de connaître le nombre de timbres émis avec cette particularité : 5 108, et pas plus. On le voit, le niveau de rareté monte déjà d’un cran. »

Mais il y a mieux encore : quelques feuilles ont reçu par inadvertance la surcharge à l’envers et ont été commercialisées ainsi. Dans ce contexte, le graal devient donc, pour cette émission, de trouver les deux erreurs combinées (surcharge renversée et surcharge « chiffres espacés »)… et si possible tenant à normal ! C’est cette pièce, précisément, qui fait l’objet de cet article et qui porte le numéro 119d du catalogue Maury. « Je suis persuadé que le nombre de feuilles avec surcharge renversée est très faible – sans doute pas plus d’une ou deux. » indique Renaud Varga. « En effet, il faut savoir que contrairement à certaines émissions locales réalisées à d’autres périodes, les surcharges de 1912 ont été réalisées à Paris par l’atelier du timbre, c’est-à-dire de manière officielle et contrôlée. Il n’y a derrière ces variétés absolument aucune arrière-pensée philatélique. » 

Et de continuer : « Précisons enfin que Madagascar n’a pas été la seule possession française concernée par les surplus de timbres : pas moins de 15 autres colonies ont également vu leurs fins de stocks surchargées. Or, à chaque fois, des erreurs ont été commises (dont, systématiquement, les fameuses variétés « surcharges espacées ») ! Ceci fait de l’émission de 1912 une thématique de collection tout à fait passionnante, surtout si on a l’envie de relever le défi de rassembler tous les timbres, dans leurs différents états. »